06‏/06‏/2009

Ismaël Haniyeh : j’ai rencontré le cheikh Ahmed Yassine dans trois points importants de sa vie


Gaza - rapport spécial

Ismaël Haniyeh est membre de la direction politique du mouvement de la résistance islamique "Hamas" et l’ancien directeur du bureau du cheikh Ahmed Yassine durant plus de cinq ans. Il parle de sa relation avec le cheikh martyr qui avait commencé dans le camp de réfugiés palestiniens de Al-Chatti. Il dit :

« Je voyais le défunt, qu’Allah le bénisse, qui se déplaçait entre les mosquées afin de donner ses cours. Le frère Ismaël Faroukh le transportait sur son vélo. C’était dans les années

soixante-dix. »

« Je voyais aussi le cheikh marchant sur ses pieds. Parfois il tombait par terre

Quand quelqu’un voulait le porter, il voyait le sourire sur son visage »

Ismaël Haniyeh se rappelle qu’il allait à la mosquée de Al-Abbas pour participer aux cours du cheikh Ahmed Yassine. Le cheikh donnait de dessert et des œuvres du romancier égyptien Al-Sahhar aux jeunes. A cette époque-la, Sharon était le chef militaire de la région de Sud. Il a entamé une campagne de rasage des maisons palestiniennes. Il a imposé sur le camp de réfugiés palestiniens de Al-Chatti le couvre-feu qui a duré plus de trente jours. Le cheikh Ahmed Yassine a dirigé une manifestation qui est parti de la mosquée de Al-Abbas après la prière de vendredi. Il a exigé le lever du couvre-feu et de casser l’encerclement imposé sur le camp. Quelques jours plus tard, il a eu ce qu’il voulait.

Enquête et prison

Ismaël Haniyeh souligne que son lien avec le cheikh Ahmed Yassine s’est renforcé au temps où il était étudiant à l’Université Islamique et surtout quand il était devenu président du conseil des étudiants de cette université. Il écoutait le cheikh et profitait de ses conseils.
Leur relation s’est encore consolidée durant la Première Intifada. Puis viennent les événements de 1989. L’année d’arrestations et d’interrogations. Il parle de ces évènements en disant :
« L’officier qui menait l’interrogation amenaient des jeunes détenus et leur montrait le cheikh dans la salle d’interrogation pour casser leur moral. Moi aussi j’étais parmi ces jeunes sans savoir que le cheikh avait été arrêté. En fait, les arrestations s’effectuaient dans l’état de couvre-feu.
Lorsque je suis entré, l’officier m’a dit : "Regarde Ahmed Yassine". Le cheikh m’a demandé : "Toi aussi ! Ils t’ont emmené ? Oh Ismaël !" Je suis resté bouche bée. L’enquêteur m’a fait sortir. Nous sommes resté le reste de la période de l’enquête dans la prison centrale de Al-Saraya. Le cheikh a été l’objet de dures tortures. Il a été privé de sommeil durant plusieurs jours ».
« Un fois, j’ai vu un soldat de l’occupation sioniste poussant le fauteuil de façon à ce que le cheikh soit tombé par terre et qu’il y soit resté plusieurs heures. Ils [les enquêteurs sionistes] ont épilé sa barbe. Ils ont pressé ses testicules qui resteront enflés de façon permanente. Ils l’ont frappé sur la poitrine. Suite à toutes ces tortures si dures, l’état de santé du cheikh s’est gravement détérioré. Il a été transporté vers l’hôpital de la prison sioniste d’Al-Ramla ».
« Le cheikh a été condamné à la réclusion criminelle, continue Ismaël Haniah. Moi j’ai été condamné à trois ans de prison. Je ne l’ai revu qu’en 1995 lorsque je lui ai rendu visite, moi et quelques autres frères, dans la prison de Kfar Yona. Le but de la visite était de discuter sur un dialogue possible avec l’autorité palestinienne. Le cheikh Ahmed Yassine nous poussait en fait dans cette direction. Il poussait aussi à quitter le chemin de la guerre intérieur. Suite à cette visite, une délégation du mouvement est parti vers le Caire ».

Le cheikh quitte la prison

L’étape après la prison reste la plus importante dans la relation d’Ismaël Haniah avec le cheikh Ahmed Yassine. Il est devenu le directeur de son bureau depuis 1997 jusqu’à sa mort. Il décrit cette étape en disant :
« Le bureau du cheikh était ouvert à tout le monde. Il avait une ferveur exceptionnelle. Si quelqu’un venait lui rendre visite, il le recevait même s’il venait de s’endormir. Il accueillait tout le monde, même les enfants. Quand un enfant venait, le cheikh le recevait et le faisait s’asseoir à côté de lui et discutait avec lui. Tout un chacun sortait de chez lui joyeux. Souvent, des gens lui demandaient de l’aide. Le cheikh donnait ce dont ils avaient besoin. Le cheikh Ahmed Yassine répétait : "Si j’avais eu une montagne d’argent, je l’aurais dépensé dans le sentier d’Allah le Tout Puissant" ».

Les médias

Ismaël Haniyeh parle du lien du cheikh Ahmed Yassine avec les médias en disant :
« Le défunt, qu’Allah le Tout Puissant bénisse, ne refusait jamais aucune interview journalistique. Il voulait répandre ses idées parmi les gens et défendre le mouvement. La maîtrise de la langue, les mots et les expressions l’aidait dans sa relation avec les médias. Peu des mots lui suffisaient pour exprimer de grandes idées. Dans ce cadre, j’appelle à étudier de façon scientifique et académique le discours médiatique du cheikh. Son discours était un remède et une soupape de sécurité pour le peuple palestinien ».

Un pauvre

Haniyeh, en décrivant la vie simple du cheikh Ahmed Yassine, dit que le cheikh est venu d’une couche sociale pauvre et qu’il y restait. Malgré le fait qu’il recevait beaucoup de dons, il était pieux, craignant Allah le Tout Puissant.
Les frères du mouvement avaient décidé de lui consacrer un salaire mensuel de mille dollars. Mais quand le cheikh Ahmed Yassine l’a su, il avait catégoriquement refusé. Il n’a voulu prendre que le nécessaire.

Le prix de l’endurance

Après huit ans et demi de prison, il a eu la grande liberté. Il a visité plusieurs pays arabes. Des milliers de gens l’ont reçu avec une chaleur populaire sans précédent. De plus, il a accompli le devoir d’Al-Hadj, le pèlerinage à la Mecque.
Dans ce voyage, il a rencontré plusieurs personnalités dont le docteur Hassan Al-Torabi, le cheikh Hassan Nasrallah et le Mofti de la Syrie Kaftaro. Le Hamas a bondi d’un pas.
Le cheikh Ahmed Yassine, après sa sortie de la prison, a pu donner un nouveau souffle au mouvement de la résistance islamique "Hamas" qui en avait bien besoin. Deux scrutins ont été effectués à l’intérieur du mouvement.

L’ Intifada de Al-Aqsa

La bénie Intifada de Al-Aqsa était et restera une station djihadique très importante dans la vie du peuple palestinien. Cette Intifada, le cheikh Ahmed Yassine était persuadé de son déclenchement. Selon Ismaël Haniah, le cheikh était très optimiste. Il croyait en la victoire. Le cheikh Ahmed Yassine disait :
« Bientôt il y aura une Intifada et elle sera armée ».

Et depuis les premiers jours de l’Intifada de Al-Aqsa, le mouvement de la résistance islamique "Hamas" était avec les masses populaires. Le cheikh a ramené au peuple l’esprit du djihad et de la résistance. En même temps, il a continué ses démarches sociales et de bienfaisance. Il visitait toutes les régions palestiniennes, aidait beaucoup d’étudiants universitaires dont surtout les étudiants qui obtenaient de bons résultats à leurs baccalauréats…

Grand héritage

Le mouvement de la résistance islamique "Hamas", sous la direction de son fondateur le cheikh Ahmed Yassine, est devenu un mouvement solide. Le cheikh a laissé derrière lui un grand héritage et une énorme responsabilité à ceux qui le suivront.
Le cheikh Ismaël Haniyeh dit dans ce domaine que le cheikh Ahmed Yassine a ancré dans le mouvement l’idée de travail collectif. La consultation collective "Al-Chora". Il ajoute que le grand cheikh suivait les petites affaires du mouvement comme les grandes. Il était autant un homme politique qu’un homme de religion qui appelle les gens à prendre le sentier de bien, le sentier d’Allah le Tout Puissant.

Le cheikh est visé


Depuis que l’Entité Sioniste "Israël" a menacé le cheikh Ahmed Yassine, il a commencé à prendre ses précautions, sécuritaires mais simples, très simples. En fait, son état de santé ne lui permît pas de prendre des mesures complexes. Ismaël Haniah dit :
« Depuis que l'ennemi sioniste à viser la direction politique du mouvement dont le docteur Abdelaziz Al-Rantissi, l'ingénieur Ismaël Abou Chenab, Djamal Maensoure et Djamal Salim, on a compris que la vie du cheikh Ahmed Yassine était en danger. Les menaces des Sionistes continuaient. Bien que le cheikh espérait tomber en martyre, néanmoins, il prenait ses précautions. De plus, il avait auparavant été l'objet d'une tentative manquée d'assassinat ».

Première tentative d’assassinat

Ismaël Haniyeh se rappelle de cet événement : « Nous étions en visite chez un frère. Nous venions de terminer notre déjeuner lorsqu'un avion militaire F16 a lancé ses bombes. A ce moment-là, nous étions au rez-de-chaussée. La maison est tombée dans le noir total.
Le cheikh Yassine a cru que c'était la maison mitoyenne qui avait été bombardée. Son fils Abdoul Hamid l’a porté. Nous nous sommes précipités pour quitter les lieux. Des gens sont venus. Ils ont participé à porter cheikh et à le faire sortir.
Je me souviens que le soir de ce jour-là, j'ai rendu visite au cheikh. Je l’ai trouvé en bonne santé. Cependant, moi j'avais quelques égratignures. Il m'a demandé les raisons. Et quand je l'ai informé que j'avais eu ces griffures en descendant l'escalier, en faisant un grand sourire il m'a dit : "si tu m'avais appelé, je t’aurais tiré". Il avait un grand esprit de gaieté et d'humour ».

Quelques paroles du cheikh Ahmed Yassine

Ismaël Haniyeh se rappelle encore de quelques propos que répétaient le Cher défunt le martyt Ahmed Yassine. Après l'assassinat du martyr, l'ingénieur palestinien Ismaël Abou Chenab, le Cheikh Ahmed Yassine a dit :

« Nous avons frappé et nous sommes montés. Nous étions frappés et nous sommes montés ».

Il disait aussi :

« Notre conflit avec les Juifs, c’est un conflit sur cette corde. S'ils la prennent, ils seront victorieux sur nous. Si on la prend, ce sera nous les victorieux sur eux ».

Et parmi les versets coraniques qu'ils répétaient se trouve le suivant :

{{Demeure sur le droit chemin comme il t'est commandé, ainsi que ceux qui sont revenus [à Allah] avec toi}} (Sourate 11, verset 112)

Ses relations personnelles

Le cheikh était certes un grand leader, mais il était un être humain. « Il me demandait souvent les nouvelles des miens, continue Ismaël Haniah (Abou Al-Abed). Quand j’avais un souci social, il trouvait toujours de quoi me réconforter. Pendant la Première Intifada, ma femme a mis au monde mon premier garçon. Je ne voulais pas fêter cet évènement. Toutefois après trois semaines, le cheikh Yassine, sa femme et ses enfants sont passé nous voir. Il nous a offert un cadeau. Et il a financé le mariage de mon premier garçon. Après le mariage de mon deuxième fils, le Cheikh est passé et m’a demandé si la maison nuptiale avait besoin de quoi ce soit ».
« Récemment, ma femme avait subi une opération chirurgicale. Le Cheikh n’arrêtait pas de demander de ses nouvelles ».
Les derniers jours
Quinze jours avant sa tombée en martyre, le cheikh Ahmed Yassine est retourné dormir dans une chambre de son ancienne maison qu'il l’avait bâtit un jour dans le quartier de Jourat Al-Chams. Avant cela, il restait tout le temps dans son bureau.
Ismaël Haniyeh (Abou Al-Abed) dit qu’il avait rencontré le cheikh Ahmed Yassine trois jours seulement avant sa tombée en martyre. Il était actif. Les menaces d’assassinat n’ont guère affecté son travail.
Abou Al-Abed se rappelle que le Cheikh Yassine a été consulté dans une affaire sociale avant l’Intifada. Une semaine avant sa mort, il lui’a demandé la nouvelle de cette affaire. Il s’intéressait de prêt aux gens et à leurs problèmes.
Sachant qu’il vivait ses derniers jours dans ce bas monde, il insistait à réaliser la feuille d’accord entre les factions palestiniennes. Son dernier testament était politique. Il voulait toujours protéger l’unité du peuple palestinien et arranger la maison intérieure palestinienne.

Traces

Les cinq ans passés avec le cheikh Ahmed Yassine avaient beaucoup d’effets sur Ismaël Haniah. Une école, le cheikh était pour lui. Il a pris beaucoup de leçons. Comment être humble... Les bonnes manières de juger. Réfléchir avant d'agir. La vie de la chora, de la démocratie. Etre aussi bien généreux que humble. Aimer les gens et la patri. Etre gai dans toute circonstance.
« Nous avons pris du cheikh comment être sérieux et endurants dans nos affaires et sympas

avec les frères en appliquant le verset coranique suivant :

{{ Modeste envers les croyants et fier et puissant envers les mécréants }}

Vision

Le cheikh Ahmed Yassine voyait bien et profondément les évènements et leurs conséquences. Il a senti que son mouvement aurait une forte position au sein de l’autorité palestinienne.
« Il disait qu’ils n’ont pas beaucoup de choix, continue Ismaël Haniyeh. Ils devront tendre la main au Hamas et écouter ses idées. L’avenir de l’Islam, il le regardait avec optimisme. La force ne pouvait jamais lui faire perdre la tête. Autant le cheikh sentait la montée en force de son mouvement, autant il renforçait ses relations avec les gens, sur le niveau politique et social.

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